15- Poursuivre le ministre traître. L’incrimination des attentats contre la constitution (1789-1848)

Jérémy Maloir

Reprenant le thème du « despotisme ministériel » développé dès la fin de l’Ancien Régime, les révolutionnaires français dénoncent sans relâche les ministres comme des usurpateurs qui, en leur qualité de gouvernants, accaparent les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Ils font ainsi figure de traîtres à la nation auprès d’une grande partie de leurs contemporains. Le droit pénal élaboré entre 1789 et 1791 s’attache alors à poursuivre les manœuvres ministérielles destinées à porter atteinte au corps législatif. Cette législation est nourrie par la volonté de préserver les nouvelles institutions contre un retour de l’absolutisme, tel que le redoutèrent les députés, au cours de l’été 1789, lorsque le roi fit appel à des ministres absolutistes pour arrêter le processus constituant. Pendant la période conventionnelle, directoriale et napoléonienne, aucune poursuite des ministres pour trahison de la Constitution n’est spécifiquement envisagée par les textes. Cette possibilité ne réapparaît très explicitement que sous la Restauration. Elle est ainsi employée en 1830 contre les anciens ministres de Charles X afin de sanctionner la violation de la Charte par les ordonnances de juillet. Le 21 décembre 1830, la Cour des Pairs les déclare coupables de trahison. La motivation des condamnations prononcées est la même que celle qui a prévalu lors de la rédaction du Code pénal de 1791 : la préservation de l’ordre constitutionnel contre une vision absolutiste du pouvoir monarchique. C’est aussi, pour le nouveau régime, une manière d’entériner une véritable rupture politique. La comparaison entre les régimes politiques qui se succèdent entre 1789 et 1848 révèle finalement que le recours à l’incrimination de trahison contre les ministres est propre aux monarchies constitutionnelles et se conçoit comme la contrepartie de l’irresponsabilité du roi.

Mots clés.  ministres, constitution, séparation des pouvoirs, absolutisme, prérogative royale, droit pénal, procès politique. Jérémy Maloir, Les Cahiers d’Agora


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